La presse de la Haute-Vienne : pour un aperçu historique

L'activité d'imprimerie à Limoges, favorisée par le développement des papeteries et cartonneries dans la vallée de la Vienne , est précocement remarquable ; s'y distinguent notamment les dynasties d'imprimeurs Barbou et Chapoulaud puis Ardant , qui produisent en particulier aux XVIII^e et XIX^e siècles des quantités de livrets de colportage dans la collection dite « Bibliothèque bleue » , ainsi que des livres de prix et de prières. Du 30 novembre 1690 date le premier numéro conservé d'un journal imprimé à Limoges : il s'agit de la Gazette, réimpression par Étienne Leclerc de la Gazette de Paris fondée en 1631 par Théophraste Renaudot .
Le premier journal vraiment local est la Feuille hebdomadaire de la généralité de Limoges créée le 30 mai 1775 par l'imprimeur Pierre Chapoulaud.

En 1790 la Révolution dessine les contours du département de la Haute-Vienne en réunissant deux parties des anciennes provinces du Limousin (au sud) et de la Marche (au nord) autour d'un cœur géographique : Limoges, chef-lieu et unique ville du département, qui concentre toutes les activités administratives et industrielles. Cette concentration s'accentue au fil du temps : la part de la population du département vivant à Limoges est d'un sixième en 1865, un tiers en 1944. C'est un département pauvre : en 1865 la population de Limoges est composée pour les deux tiers d'ouvriers dont les salaires sont extrêmement bas et vont de 1 franc par jour pour les apprentis et les fillettes, à 7,50 francs par jour pour les peintres sur porcelaine (rare aristocratie de la classe ouvrière), alors que le kilo de pain vaut 0,42 franc.

Plus bas encore est le niveau de vie dans les campagnes, ce qui cause l'exode rural . Saint-Junien, 10 000 hab. en 1865, dépasse à peine 11 000 habitants en 1944, malgré ses activités de mégisserie et ganterie ; sur la même période, aucun des autres bourgs, Saint-Yrieix (8 000 hab.), Saint-Léonard (6 000 hab.), Rochechouart (4 500 hab.) et Bellac (3 700 hab.), ne voit sa population augmenter. Les principaux hebdomadaires dans les environs de Limoges sont : L'Écho de Saint-Yrieix (1865-1944), La France du Centre (1897-1909) et L'Avenir de Saint-Yrieix (1907-1921) ; dans l'arrondissement de Bellac : Le Nouvelliste de Bellac (1831-1942) ; dans l'arrondissement de Rochechouart : L'Abeille de Saint-Junien (1881-1944) et le Journal de Rochechouart (1896-1923).

Tous les quotidiens de la Haute-Vienne sont publiés à Limoges. Les quotidiens les plus durables sont : Le Courrier du Centre (1860-1944, gouvernemental, plutôt conservateur), La Gazette du Centre (1881-1932, nettement à droite), Le Petit Centre (1882-1904, républicain et radical-socialiste), Le Réveil du Centre (1901-1927, socialiste) et Le Populaire du Centre (1905-1941, socialiste). Né en pleine période de puissante agitation ouvrière, Le Populaire du Centre se pose immédiatement en adversaire du Courrier du Centre. De février à avril 1905, de nombreuses grèves (en particulier contre le harcèlement sexuel commis par un contremaître d'une porcelainerie) tournent à l'insurrection, sont réprimées par l'armée (un mort ), ont un retentissement national et donnent à Limoges une réputation de ville rouge.

Grâce au chemin de fer , Limoges est bien relié non seulement à Paris (à partir de 1856) mais aussi, dès 1871, à la ligne transversale Bordeaux-Lyon . Des journaux d'originaires de la Haute-Vienne émigrés à Paris les aident à maintenir le lien avec leur région d'origine. Les guerres engendrent des migrations temporaires en sens inverse, vers la Haute-Vienne. Du 1^er mai 1916 au 21 juillet 1917, c'est à Limoges qu'est créé Le Populaire, que dirigera Léon Blum et qui sera l'organe officiel national du Parti socialiste SFIO. Pendant la Guerre d'Espagne , en mars 1937, Limoges accueille avec sympathie les enfants réfugiés espagnols séparés de leurs parents. Du 22 juin 1940 au 11 novembre 1942, la Haute-Vienne est, avec la Creuse et le Puy-de-Dôme, le plus au nord des départements se trouvant intégralement en Zone libre , sans être bordés par la ligne de démarcation. Le P'tit Quinquin est destiné aux évacués et réfugiés du Nord de la France que l'exode a amenés dans la Haute-Vienne.

Pour échapper à la censure militaire allemande instaurée le 10 mai 1940, certains journaux nationaux déplacent leurs bureaux de Paris à Limoges : Le Journal (à partir du 14 juin 1940, en alternance avec Lyon et Marseille), L'Action française du 29 juin au 21/22 oct. 1940, et plus durablement La Croix, du 4 juil. 1940 au 21 juin 1944. Le Petit Limousin, journal SFIO né en 1909 et successeur du Socialiste de la Haute-Vienne, est un des rares journaux socialistes ayant accepté de continuer à paraître sous la censure après l'occupation de la zone Sud le 11 novembre 1942. On ne parle presque pas du massacre d'Oradour-sur-Glane (le 10 juin 1944, à 23 km de Limoges) dans la presse autorisée. « La Petite Gironde a publié l'affaire d'Oradour avec quelques horribles détails, mais en en accusant les Forces intérieures qu'elle appelle Terroristes du Maquis [comme le font] tous les journaux à la solde des nazis », selon le journal clandestin Le Combat des patriotes [du Centre-Ouest] .

Pour une introduction plus complète à l'histoire de la presse de la Haute-Vienne, voir la préface de Jean-Marie-Amédée Paroutaud (écrivain, auteur de La Ville incertaine ) dans le volume 87 de la Bibliographie de la presse française politique et d'information générale , par Danielle Le Nan (1967).