La presse des Alpes-Maritimes : pour un aperçu historique

Le fleuve Var est au XVIII^e siècle difficile à franchir . Depuis le Moyen Âge, la Provence (et donc la France) se termine là, avec les diocèses de Vence et Grasse . Au-delà du fleuve, c'est le Comté de Nice , qui dépend politiquement de la Maison de Savoie basée à Turin. Le premier journal à paraître dans le Comté de Nice est la Gazette de Nice, bihebdomadaire en français fondé en 1772 par Giuseppe Ferreri, originaire d'Arles , et imprimée par le Niçois d'origine suisse Gabriel Floteront , en collaboration avec Pierre-Joseph Cheisolme, imprimeur avignonnais que les circonstances politiques ont mené à Monaco puis à Nice ; cette gazette s'éteint en 1775. En 1780 on peut lire des nouvelles concernant Nice dans le Journal de Turin et des provinces, hebdomadaire ayant une édition en français et une autre en italien (Giornale di Torino e delle provincie ) ; on y lit par exemple, le 3 janvier 1780 : « Nice. Plusieurs familles anglaises sont ici pour passer l'hiver dans ce doux climat ».

L'armée révolutionnaire française s'empare de Nice le 29 septembre 1792 , et le Comté de Nice devient en 1793 le premier département des Alpes-Maritimes , situé à l'est du fleuve Var et incluant l'extrémité ouest de l'actuelle Ligurie. Vers 1795, Bouillod, imprimeur de l'Armée [française] de Nice, y fonde le Courrier du Midi. Sous le Consulat et l'Empire, Le Nicéen (1803-1804) puis Le Messager des Alpes (1806-1814) font valoir leur utilité pour « la propagation de la langue française dans un département où, à part la ville de Nice et quelques communes littorales, elle est en quelque sorte étrangère ». À l'ouest du fleuve Var, le premier journal local est créé par Dufort aîné vers 1813 sous le titre d'Affiches, annonces et avis divers de la ville de Grasse.

À la chute de Napoléon, le royaume de Sardaigne récupère vers mai 1815 la Ligurie (départements de Gênes et Montenotte ), puis le 20 novembre 1815 le département des Alpes-Maritimes (composé des arrondissements de Nice, Puget-Théniers et San Remo ), qui deviendra la Division de Nice . Ces débouchés maritimes attribués aux États sardes de terre ferme visent à en faire un État-tampon entre la France et les possessions autrichiennes en Italie. On n'y publie pas de journaux dans les années 1830, à part le Bulletin de la Chambre royale d'agriculture et de commerce de Nice. Pendant ce temps, le marin niçois Giuseppe Garibaldi mène divers soulèvements en Amérique latine. Il rentre à Nice en avril 1848, juste après que la liberté de la presse a été accordée le 4 mars 1848 par le roi Charles-Albert dans le Statut albertin (article 28) . Devenue constitutionnelle, la monarchie sarde permet la naissance d'une dizaine de journaux en français, deux journaux en italien et deux en dialecte nissart : La Mensoneghiera (1854-1855) et Lou Sincaire : giournal per lou pople de Nissa (1855).

Le libéral Écho des Alpes-Maritimes (1848-1850) puis L'Avenir de Nice (1850-1860) militent pour le rattachement de Nice à la France . Dans le camp opposé, Il Nizzardo (1852-1860) défend l'italianité de Nice. Gonzague Arson dans La Terre promise (1857-1859) puis la Gazette de Nice (1859-1860) promeut le particularisme niçois, allant jusqu'à envisager la possibilité d'une indépendance du comté. Garibaldi, devenu député de Nice au Parlement du royaume de Sardaigne (à Turin), dénonce le traité du 24 mars 1860 sur la réunion de l'arrondissement de Nice à la France comme étant anticonstitutionnel et contraire au droit des peuples, lors de son interpellation à la Chambre le 16 avril 1860. Mais les sujets sardes de la Province de Nice (ou habitant en France dans le département du Var qui comprenait alors Cannes, Grasse, Le Cannet, Antibes...) approuvent cette annexion par référendum . Dix ans après, à la suite de la défaite de Sedan (2 septembre 1870), le rattachement à la France est remis en cause par Giuseppe André dans Il Diritto di Nizza (1870-1871) qui devient La Voce di Nizza (1871), tous deux interdits par le préfet, puis dans Il Pensiero di Nizza (1871-1895), hostile à l'influence française. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sous l'occupation fasciste , Il Nizzardo (1942-1943) , publié à Rome, reprend le titre du journal pro-italien paru de 1852 à 1860.

En 1860, pour que le nouveau département des Alpes-Maritimes soit centré autour de Nice, on lui adjoint l'arrondissement de Grasse, détaché du département du Var (dont le fleuve Var n'est donc plus la frontière). Les principaux journaux à Grasse, où se développent la culture florale et la parfumerie, sont Le Commerce (1858-1898) et le Journal de Grasse et de l'arrondissement (1865-1914). Entre 1848 et 1866, les montagnes connaissent leur maximum de densité de population. Mais au XX^e siècle, même si l'agriculture est encore un sujet présent dans la presse, la population des Alpes-Maritimes devient de moins en moins alpine et de plus en plus maritime. Les journaux destinés à l'arrondissement de Grasse sont désormais majoritairement publiés à Cannes, comme Les Petites affiches de Cannes et de l'arrondissement de Grasse (1895-1944). À partir de 1911, l'ouverture de la ligne ferroviaire de Nice à Digne contribue à l'exode rural, qui s'accélère après 1936 et dépeuple les montagnes de l'arrière-pays. En conséquence, la sous-préfecture de Puget-Théniers est supprimée en 1926.

À l'inverse, la population des villes du littoral double de 1860 à 1900, passant de 95 000 habitants (dont 48 000 à Nice) à 200 000 (dont 105 000 à Nice), avec un grand essor de l'immobilier. Les journaux les plus importants à Nice sont : le Journal de Nice (1863-1931), Le Phare du littoral (1865-1938, qui vers 1890 est le seul des organes régionaux à être relié à Paris par un fil télégraphique spécial), Le Petit Niçois (1880-1944, qui passe brutalement le 26 janvier 1881 de conservateur et clérical à républicain et radical, mais se maintient en-deçà du socialisme), et L'Éclaireur de Nice (1888-1944, nettement plus à droite). Comme Nice et Cannes, les autres villes où l'on publie des journaux sont souvent des stations climatiques fréquentées l'hiver par des touristes fortunés, amateurs de spectacles : Menton avec L'Avenir de Menton (1874-1914) et le Journal de Menton (1880-1931), Antibes avec L'Avenir d'Antibes (1868-1914), Le Réveil d'Antibes (1889-1944) et Le Progrès d'Antibes (1898-1944)... et plusieurs autres communes littorales plus petites. Hippolyte Marinoni , qui publie à Paris Le Petit journal et a inventé en 1890 la révolutionnaire machine rotative à couleurs instantanées permettant l'essor de la presse illustrée, est aussi le créateur d'une de ces stations hivernales : Beaulieu-sur-Mer.

Pour une introduction plus complète à l'histoire de la presse des Alpes-Maritimes, voir la préface d'Ernest Hildesheimer dans le volume 06 de la Bibliographie de la presse française politique et d'information générale , par Jean Watelet (1972).