La presse de l'Yonne : pour un aperçu historique

Dès les années 1770, les imprimeurs François Fournier à Auxerre et Pierre-Hardouin Tarbé à Sens publient des feuilles d'affiches, une ou deux fois par mois. En 1790 la Révolution crée les départements : alors que celui de la Nièvre reprend les contours de l'ancienne province du Nivernais, celui de l'Yonne est un assemblage. Sa moitié nord (autour de Sens) provient de la Champagne (généralité de Châlons) ; son tiers sud-est (avec Auxerre) dépendait auparavant de la généralité de Bourgogne siégeant à Dijon ; et au sud-ouest on a inclus une grande partie de la Puisaye, pays forestier et argileux qu'on a détaché de l'Orléanais. Auxerre en est le chef-lieu ; mais du point de vue de l'administration ecclésiastique catholique, il y a deux pôles : le diocèse d'Auxerre coexiste avec l'archidiocèse de Sens (à l'histoire prestigieuse). Vers 1870, Auxerre compte 15 000 habitants, Sens en a 12 000, et plus de 80% de la population de l'Yonne vit dans les villages. Sur environ 250 titres de presse locale concernant l'Yonne jusqu'en 1944, un peu moins de la moitié ont été publiés à Auxerre, et un quart à Sens ; plus d'une vingtaine de journaux ont existé à Joigny, Tonnerre ou Avallon ; et plusieurs à Saint-Florentin ou Laroche.

Sous la Révolution, paraît à Auxerre en 1790 Le Postillon du département de l'Yonne qui se rebaptise L'Ami de la monarchie, puis change de nom chaque jour selon son humeur. L'Observateur du département de l'Yonne, fondé en 1796 à Sens, aimerait susciter l'apparition de journaux concurrents dans l'Yonne : « Il en est des journaux comme des théâtres : c'est la concurrence qui, en excitant l'émulation des artistes, augmente le mérite de ces divers établissements » . Sous le Premier Empire est fondé à Auxerre le Journal judiciaire d'Auxerre et autres arrondissements, à la longue destinée : de 1840 à 1923 il devient L'Yonne (il paraît ensuite sous le titre de Le Petit régional jusqu'en 1937). L'Yonne, sous le Second Empire, fait figure d'organe de la préfecture. Son concurrent direct, avec lequel il polémique durement, s'appelle La Constitution (1848-1900). En 1869 Charles Lepère fonde à Auxerre La Liberté, alors seule feuille républicaine du département. À Sens paraissent Le Sénonais (1845-1871), monarchiste légitimiste catholique, et le Courrier de l'Yonne (1863-1898), bonapartiste anticlérical.

Au début de la III^e République, quelques titres combattent le nouveau régime : La Bourgogne (1871-1914) est lancée par les légitimistes d'Auxerre, et Le Nouvelliste de l'Yonne (1872-1914) soutient le mouvement bonapartiste de l'Appel au peuple. Puis, après la démission de Mac-Mahon en 1879, les chances d'une restauration monarchique devenant réduites, ce sont les tendances républicaine, démocrate et radicale qui prédominent. Dans les années 1880 l'écrivain Colette, qui parle avec l'accent rocailleux de l'Yonne, passe son enfance à Saint-Sauveur-en-Puisaye, attirée par les journaux que son père lit assidûment (décoré de la Légion d'honneur comme le sera sa fille , il appartient au Comice agricole et viticole de l'arrondissement d'Auxerre ). C'est la grande époque de l'anticléricalisme : l'Auxerrois Paul Bert , qui ne craint pas de comparer les congrégations religieuses au phylloxéra, lance en 1880 une édition de l'Yonne de La Petite République française. En 1880 puis en 1904, on expulse les Bénédictins de la Pierre-qui-Vire (ils ne pourront y revenir qu'en 1921). Quant au phylloxéra , « danger de mort » qui menace les vignes (alors l'une des principales richesses du département), c'est un sujet très présent dans la presse agricole et viticole de l'Yonne avant 1914.

La nécessité d'arracher les vignes à cause du phylloxéra, et de laisser le sol en friche, conduit une partie de la population à émigrer ; apparaissent alors des journaux destinés aux originaires de l'Yonne réinstallés en région parisienne. Inversement, pendant la Première Guerre mondiale, on publie à Auxerre un Journal des réfugiés dans l'Yonne pour les originaires des Ardennes envahies. Après l'armistice, des journaux défendent les anciens combattants, les unions syndicales agricoles ou ouvrières, et les idées socialistes. À partir de juin 1940 les Allemands occupent le département ; près de 30 000 prisonniers de France métropolitaine et des colonies sont rassemblés dans l'Yonne, dans plusieurs camps de prisonniers (Frontstalag), où ils sont affectés à des tâches agricoles. Seuls huit journaux continuent de paraître dans l'Yonne sous l'Occupation. Auxerre est libéré le 24 août 1944, et le quotidien L'Yonne républicaine commence à paraître le 26 août 1944.

Pour une introduction plus complète à l'histoire de la presse de l'Yonne, voir la préface de Claude Hohl dans le volume 89 de la Bibliographie de la presse française politique et d'information générale , par Aline Locker (1979).