La presse de la Côte-d'Or : pour un aperçu historique

Dès septembre 1657, Toussaint Vitas envisage d'imprimer à Dijon, siège du parlement de Bourgogne , une Gazette, réimpression de la Gazette de Théophraste Renaudot (fils) . Un siècle après, alors que Voltaire défend la liberté d'imprimer dans ses Nouveaux mélanges philosophiques... , le premier journal de la Côte-d'Or est créé à Dijon par l'imprimeur-libraire Jacques Causse sous le simple titre de : Annonces et affiches (1770-1771). La période révolutionnaire (1789-1804) voit une première libération temporaire de la presse, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (1789) proclamant que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». Dijon, ancienne capitale de la partie française du duché de Bourgogne , devient le chef-lieu du département plutôt rural créé en 1790 sous le nom de Côte-d'Or, en hommage à sa viticulture mondialement connue. Le Journal patriotique de Bourgogne, créé en janvier 1790 par l'imprimeur-libraire Jean-Baptiste Capel , est le premier journal politique du nouveau département. Onze journaux sont créés à Dijon ou Châtillon-sur-Seine de 1790 à 1797, dont le moins éphémère est le Journal de la Côte-d'Or lancé par Vivant Carion .

Le Premier Empire et la Restauration sont marqués par un retour à la censure. Le décret du 5 février 1810 stipule notamment qu'« il est défendu de rien imprimer ou faire imprimer qui puisse porter atteinte aux devoirs des sujets envers le souverain, et à l'intérêt de l'État ». À partir de janvier 1812, Vivant Carion ne publie plus qu'une feuille d'annonces, les Affiches, annonces et avis divers de la ville de Dijon. La partie politique du Journal de la Côte-d'Or est assurée à partir de 1814 par Claude-Nicolas Amanton (1760-1835), maire d'Auxonne. Le Spectateur (1830-1857), créé à la fin du règne de Charles X, défend une ligne légitimiste, alors que Le Patriote de la Côte-d'Or (1831-1835) et le Courrier de la Côte-d'Or (1839-1851) sont proches de la « gauche orléaniste » représentée en Côte-d'Or par le député François Mauguin (1785-1854).

La Seconde République (1848-1851) connaît une diffusion importante de la presse, mais cette période de liberté est de courte durée. Victor Hugo défend avec passion la liberté de la presse à l'Assemblée nationale législative (9 juillet 1850 ) et affirme : « Je veux la presse dans toute sa liberté. » Mais le Second Empire rétablit la censure. Le décret du 17 février 1852 instaure le système de l'autorisation préalable et des avertissements : « Aucun journal ou écrit périodique traitant de matières politiques ou d'économie sociale [...] ne pourra être créé ou publié sans l'autorisation préalable du gouvernement ». Une période dite "libérale", dans les années 1860, voit la création de nouveaux journaux influents. L'Union provinciale fondée le 14 juillet 1849, devenue en 1851 L'Union bourguignonne, reprend les abonnements de L'Impartial bourguignon pour devenir le 31 août 1868, grâce à l'imprimeur Charles-Eugène Jobard (1828-1902) et l'appui financier du baron Paul Thénard , Le Bien public. Ce journal conservateur modéré a pour concurrents deux autres quotidiens : La Côte-d'Or, titre légitimiste qui disparaît en 1883, et à partir du 14 janvier 1869 Le Progrès de la Côte-d'Or. La diffusion peut être aussi bi- ou trihebdomadaire ; c'est le cas des journaux de l'arrondissement de Beaune et de l'arrondissement de Montbard incluant Châtillon-sur-Seine et Semur-en-Auxois. Les titres les plus durables sont le Journal de Beaune (1855-1944), Le Châtillonnais et l'Auxois (1847-1944) dans le nord de la Côte-d'Or, et à Auxonne La Voix du peuple (1848-1854), devenue L'Auxonnais puis L'Écho bourguignon (1859-1939), qui concerne les communes des cantons du bord de Saône (Auxonne, Saint-Jean-de-Losne, Seurre, Pontailler-sur-Saône et Genlis). L'Écho de l'Auxois (1854-1892), fondé par le maire de Semur François-Vincent Verdot (1827-1892), est suspendu en 1874 pour un article jugé injurieux à l'adresse du maréchal de Mac Mahon, président de la République. Le Journal de Beaune voit aussi sa distribution entravée. Le Progrès de la Côte-d'Or est également soumis à des restrictions en 1874.

La loi du 29 juillet 1881 , sous la Troisième République, est une étape cruciale. Elle supprime définitivement le cautionnement et permet une véritable liberté de la presse. L'« âge d'or » de la presse (1881-1914) voit une multiplication des titres et une diversification des opinions. La presse républicaine se développe face à la presse catholique et à la celle d'autres orientations politiques. Les organes de presse jouent un rôle important dans les crises de la Troisième République. Notamment lors de l'affaire Dreyfus, où certains journaux se montrent violemment antisémites, comme Nouvelle Bourgogne et La Croix de Bourgogne. À gauche, Le Rappel des travailleurs des villes et des campagnes (1895-1907), formé par la fusion des journaux Le Réveil des paysans et L'Avenir social, est l'organe de la fédération socialiste unifiée avec pour chef de file Jean-Baptiste Bouhey-Allex , paysan-viticulteur local, républicain, devenu militant socialiste, maire de Villers-la-Faye (1884-1904), conseiller général, député de la Côte-d'Or. Ce titre devient en 1907 Le Rappel socialiste.

La Première Guerre mondiale entraîne un contrôle accru de la presse. Le décret sur l'état de siège suspend la liberté de la presse. Une vingtaine de journaux de la Côte-d'Or disparaissent en 1914, dont Le Catholique. L'entre-deux-guerres est ensuite marqué par de nouveaux combats politiques et une presse engagée. La Bourgogne républicaine est lancée comme quotidien du Parti socialiste. La Bourgogne viticole et agricole, journal initialement lié au syndicalisme agricole, devient dès 1936 l'organe des Croix de feu, puis du Parti social français fondé par le colonel de La Rocque le 7 juillet 1936 à la suite de la dissolution générale des ligues. On y trouve des accents antisémites et une opposition radicale au Front populaire. En 1937, ce journal prend le nom de La Bourgogne nationale et républicaine. Pendant l'Occupation (1940-1944), certains titres comme Le Progrès de la Côte-d'Or collaborent avec le régime de Vichy et les Allemands. Le Progrès publie l'éditorial d'Émile Gauthrin (17 juillet 1941) : « Collaborer c'est vouloir que la France vive. » En juillet 1940, Henri Massenet, propriétaire et directeur du journal Le Châtillonnais et l'Auxois, héritier du Journal de Châtillon-sur-Seine de 1830, fait les démarches auprès de l'antenne locale de la Feldkommandantur pour obtenir des autorités allemandes l'autorisation de reparaître. C'est chose faite le 7 août 1940.

Il faut attendre la libération de Dijon (11 septembre 1944) pour que La Bourgogne républicaine et Le Bien public reparaissent. L'épuration de la presse à la Libération entraîne des sanctions contre les journaux collaborateurs. Le Châtillonnais et l'Auxois est placé sous le contrôle d'un administrateur provisoire, mais son directeur reste libre de ses actions. Il bénéficie d'un non-lieu le 21 novembre 1945, le commissaire du gouvernement s'étant montré particulièrement indulgent : « Si le journal Le Châtillonnais et l'Auxois devait être poursuivi, tous les journaux dont la parution n'a pas été suspendue pendant la guerre devraient l'être, ce qui serait excessif, car, tout de même, il était souhaitable que des journaux continuassent à être imprimés quand ça n'aurait été que pour publier les informations à l'usage des Français. » Malgré sa liberté retrouvée à la fin la Seconde Guerre mondiale, la presse écrite est affectée par la concurrence de la radio et la pénurie de papier. On peut considérer que son âge d'or est alors révolu.

Enfin, il est bon de rendre ici hommage au travail remarquable de Claude Farenc sur la presse en Côte-d'Or, notamment ses ouvrages La presse en Côte-d'Or : les combats pour la liberté, 1789-1881 et La presse en Côte-d'Or : l'âge d'or des journaux, 1881-1940 ; sans oublier les œuvres du bibliothécaire et bibliographe dijonnais Philibert Milsand (1818-1892), en particulier son recueil d'articles de presse en langue régionale bourguignonne.

Pour une introduction plus complète à l'histoire de la presse de la Côte-d'Or, voir la préface de Dimitri Vouzelle dans le volume 21 de la Bibliographie de la presse française politique et d'information générale , par Nathalie Fabry (2022).