La presse de la Principauté de Monaco : pour un aperçu historique

Plus de soixante journaux ont été publiés à Monaco ou bien ont concerné Monaco, des origines à 1944. Au XVIII^e siècle, la Provence a pour limite le fleuve Var ; à l'est du fleuve, c'est le comté de Nice , qui dépend politiquement de la Maison de Savoie . Enclavée dans le comté de Nice, se trouve la principauté de Monaco composée alors de Menton, Monaco et Roccabruna (Roquebrune) soit 24 km², et placée sous la protection française depuis 1641 (traité de Péronne ). Non loin de là, le Comtat Venaissin (région d'Avignon) dépend du Pape. Les imprimeurs de Nice, Monaco et Avignon échappent donc aux lois françaises. En juillet 1768, Avignon et le Comtat venaissin ayant été réunis à la France à la suite du différend qui opposait la France au Saint-Siège à propos du duché de Parme, une gazette, Le Courrier d'Avignon, doit arrêter sa publication pour ne pas contrevenir au privilège exclusif de la Gazette de France . On a alors l'idée d'en continuer l'édition à Monaco, et l'imprimeur avignonnais Pierre Cheisolme qui en assurait le tirage se transporte dans la Principauté. Ainsi est créé Le Courrier de Monaco dont le premier numéro porte la date du 3 février 1769. Mais la mésentente ne tarde pas à s'introduire dans l'entreprise. Cheisolme, dont les activités paraissent douteuses, quitte Monaco pour Nice où il fonde en 1772 la Gazette de Nice. Après la restitution d'Avignon au Pape, un nouveau Courrier paraît en Avignon à partir de juillet 1775 ; le Courrier de Monaco perd dès lors son droit à être diffusé en France, ce qui entraîne sa disparition.

Quatorze ans plus tard, le prince de Monaco Honoré III est à Paris dans son hôtel de Matignon quand éclate la Révolution française. De janvier à fin juin 1793, le jacobin piémontais Giovanni-Antonio Ranza fait paraître à Monaco le Monitore italiano politico e letterario, contenant régulièrement des traductions italiennes d'articles du Journal des lois de la République française que publie à Paris un autre jacobin piémontais, Guglielmo-Francesco Galletti . En juillet 1793, Honoré III est emprisonné à Paris à la Conciergerie, condamné à la prison à vie, tandis que la principauté de Monaco est abolie par les révolutionnaires et son territoire annexé à la France, la ville de Monaco étant renommée Fort-Hercule. La femme du second fils d'Honoré III, Marie-Thérèse de Choiseul , est guillotinée le jour de l'arrestation de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794). Le 17 juin 1814, le fils aîné d'Honoré III est restauré comme prince souverain de Monaco.

Le traité de Paris du 20 novembre 1815 remplace le protectorat de la France par celui du roi de Sardaigne. Avec 4 900 habitants en 1848 (contre 1 200 sur le rocher de Monaco), Menton, qui produit de l'huile d'olive et des agrumes, est la ville la plus étendue et la plus peuplée de la principauté. Alors que Monaco a toujours été francophile, Menton est culturellement proche de l'Italie. Aussi le Royaume de Sardaigne tente-t-il de s'en emparer, ainsi que de la petite ville voisine de Roquebrune (500 habitants). En 1848 ces deux villes font sécession . Une dizaine d'années plus tard, le Risorgimento pose à nouveau la question des frontières et de l'existence même de l'État monégasque. C'est dans ce contexte que naît à Monaco le 30 mai 1858 l'hebdomadaire L'Éden, qui devient le Journal de Monaco, plus tard journal officiel de la principauté. Ce journal est entièrement en langue française, alors que la langue officielle à cette période est l'italien, et que la langue autochtone est un dialecte ligure. Un an après l'annexion du comté de Nice à la France (plébiscite des 15/16 avril 1860), Napoléon III et Charles III signent le 2 février 1861 un traité par lequel le Prince cède à perpétuité à l'Empereur des Français tous ses droits sur les communes de Menton et Roquebrune, moyennant quatre millions à verser à Charles III et d'autres avantages assez importants. En cédant ces deux villes, la Principauté perd 90 % de son territoire (elle ne fait plus que 2 km²) et de ses ressources (impôts et productions agricoles).

Pour remplacer les revenus qui provenaient de Menton, les Grimaldi pensent aux riches étrangers (anglais, russes...) appréciant la douceur de l'hiver dans cette région, qui auraient besoin de distractions semblables à celles qu'ils trouvent en été dans les stations thermales germaniques, comme Baden ou Hombourg . Or les jeux de hasard, autorisés dans certains États allemands, sont interdits en France (décret du 24 juin 1806 et article 410 du Code pénal ), et les maisons de jeu de Paris ferment le 31 décembre 1837 conformément à la loi du 21 mai 1836 prohibant les loteries. Le royaume de Sardaigne interdit également la roulette à Nice. C'est donc une opportunité pour la Principauté. La Société des bains de mer (SBM) est fondée à Monaco le 2 avril 1863 par le prince Charles III, pour tirer profit des recettes de maisons de jeux qui pourront être créées sous prétexte d'un usage thérapeutique de la baignade en Méditerranée. Le privilège d'exploiter le monopole des jeux dans la Principauté est concédé pour cinquante ans à François Blanc , qui a fait le succès de Hombourg. La SBM ouvre en juillet 1865 un casino , un an avant l'ouverture de celui de Nice, qui ne survivra pas à cette concurrence. François Blanc est autorisé le 1^er juin 1866 à créer au lieu-dit les Spélugues un nouveau quartier d'hôtels et de villas luxueuses, nommé, en l'honneur de Charles, Monte-Carlo. Le 1^er octobre 1868 le chemin de fer arrive à Monaco, qui n'est plus qu'à un quart d'heure de Nice (au lieu d'1h en bateau ou 4h par la route ). Les revenus des jeux sont tels que, le 8 février 1869, Charles III supprime à Monaco les impôts personnels, les impôts sur les capitaux et les impôts fonciers, ce qui entraîne une intense activité de construction. Un opéra est inauguré le 25 janvier 1879. La véritable naissance de la presse à Monaco se produit une dizaine d'années après, avec des hebdomadaires comme Monte-Carlo mondain (1889-1914), Les Rives d'or (1891-1907), et même un quotidien, Le Petit Monégasque (1897-1926), reprenant le titre d'un hebdomadaire fondé en 1888, qui deviendra la Gazette de Monaco et de Monte-Carlo (1926-1935). Plusieurs journaux sont illustrés et rendent compte des spectacles.

En 1910 les habitants de la Principauté sont étrangers à plus de 90 % : 20 000 étrangers et seulement 1 500 Monégasques. Les journaux destinés aux étrangers sont parfois saisonniers, comme l'hebdomadaire en anglais fondé par le britannique Harry Villiers Barnett, The Continental weekly (1908-1922), qui paraît l'hiver à Nice ou Monaco et l'été à Aix-les-Bains, avec des éditions à Biarritz, Lucerne et Montreux. Le 7 mai 1910, le suffrage universel est accordé aux Monégasques, ainsi que la liberté de réunion et la liberté de la presse. La constitution du 5 janvier 1911 crée un Conseil national élu, c'est la fin de la monarchie absolue. En 1912, Carmen Legrelle de Ferrer publie à Monaco un mensuel pacifiste et féministe, La Tribune , avec un supplément féministe en esperanto. Par le traité du 17 juillet 1918, la France assure à la Principauté la défense de son indépendance et de sa souveraineté, et de son côté le Prince de Monaco s'engage à exercer ses droits de souveraineté en parfaite conformité avec les intérêts de la France. La célèbre phrase du jeu de roulette « Rien ne va plus... » est détournée dans le titre de l'hebdomadaire Monte-Carlo... Tout va... (1925-1926) qui paraît début 1927 sous le titre de Le Monégasque. Mais dès 1928, une baisse des revenus provenant de la SBM entraîne la hausse des impôts indirects. La création du « sommier de nationalité » donne aux Monégasques la priorité d'accès aux emplois, mais il leur est difficile de prouver leur nationalité. À côté d'une tendance satirique présente dans la presse monégasque depuis le début, une presse à orientation politique apparaît, comme l'évoquent deux titres : L'Éveil démocratique de Monaco (1930-1935) et Le Rappel : organe du Comité républicain et de défense des intérêts beausoleillois (1932). Pendant la Seconde guerre mondiale, officiellement neutre, la Principauté héberge une partie des finances du III^e Reich à qui elle permet, comme la Suisse, de contourner les embargos imposés par les Alliés. Après la libération de Monaco le 3 septembre 1944, on saisit dans la Principauté autant d'argent allemand que sur l'ensemble du territoire français.

Pour une introduction plus complète à l'histoire de la presse des Alpes-Maritimes et de la principauté de Monaco, voir la préface d'Ernest Hildesheimer dans le volume 06 de la Bibliographie de la presse française politique et d'information générale , par Jean Watelet (1972).

Autres sources :
- ASTRAUDO, Amédée. La principauté de Monaco : son histoire, sa constitution, son statut international. Nice : L'Éclaireur, 1932
- DELANNOY, Pierre, PICHOL, Michel, La saga des casinos. Paris : Orban, 1986
- GUILBAUD, Quentin. Le « printemps des peuples » mentonnais (1847-1861) du point de vue de certains « quarante-huitards » : Charles Trenca, Auguste Massa, Charles Faraldo... Histoire. 2018. dumas-01898525